jeudi 8 mars 2012

We are the number

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Les
Fondus et le facteur n'ont pas traîné. Le numéro 11 de L'indic était dans la boîte ce matin. Comme nous l'indiquons dans le message précédent du blog, il y est question d'Ecorce, gardé à vue au même titre que les éditions Asphalte et La Tengo. Sous quel motif ? A cause du domaine de l'édition, pardi. Ici et maintenant, qu'en est-il ? Réponse sous trois points de vue bien distincts. Trois expériences. Choix, parcours et chiffres à l'appui.

L'article, signé Caroline De Benedetti, se referme sur la délicate question du livre numérique qui, à elle seule, aurait mérité un dossier – auquel nous n'aurions pas la prétention d'avoir dû contribuer absolument. Et nous sommes très honorés d'avoir subi les questions de Caroline pour ce numéro 11. Merci aux fondus.

Mais le sujet numérique est encore frais, fragile, tout comme Internet l'était il y a une quinzaine d'années, à peine. Nous assistons à sa naissance et nous ignorons ce qu'il en sera dans dix ans. Nous sommes à la fois des veinards et des cobayes. L'heure est propice au questionnement de ce nouvel outil et à son expérimentation, surtout, à défaut d'absorber comme des éponges passives ce que les fabricants et les sites de vente en ligne nous en disent.


Veinards, parce qu'on est là pour le voir et le croire. Cobayes, parce qu'on n'est pas seulement des lecteurs dans cette histoire, mais peut-être avant tout des consommateurs visés par des marchands et des producteurs.
Les éditions Ecorce ont été contactées à différentes reprises par des structures et des labels qui misent sur le développement du "produit" numérique. Pas des marchands de machines, pour le coups, mais plutôt des diffuseurs. Le dernier roman paru chez Ecorce (Recluses, de Séverine Chevalier) était dans la mire. La possibilité de le proposer au format virtuel nous était offerte, ainsi que tout un tas d'options et de services avantageux (tout est toujours très avantageux quand on envisage de nous vendre un ensemble de services par téléphone, n'est-ce pas...).

Nous avons répondu que le roman avait bénéficié d'un soin particulier dans le choix du papier, de sa couleur, de son grain, de son grammage, etc. (les commerciaux à l'autre bout du fil ont eu l'air de dire que c'était bien). Nous avons parlé de l'objet livre lui-même et du plaisir de tourner des pages (le bruit, le sens tactile). Nous avons aussi évoqué nos précieux partenaires que sont les libraires, ainsi que ces événements qu'on appelle encore "salons du livre" (mais pourquoi ne pas envisager à plus ou moins long terme l'organisation d'un tel événement sur Internet ? Ou imaginer qu'on puisse dans le futur se rendre sur des salons, équipés de nos tablettes ultra-plates que les auteurs dédicaceront avec des feutres indélébiles ?).
Nous avons poliment décliné la proposition.

Nous évoquons dans l'article de L'indic la crainte de voir disparaître les libraires (ceux bien physiques et humains qui savent nous conseiller quand on franchit le seuil de leur boutique – et nous ne parlons pas ici des grandes surfaces "culturelles"), mais aussi celle des éditeurs. On ne mesure pas encore les conséquences que pourrait entraîner le succès du format numérique qu'on nous promet. Un crack, une conversion et une duplication de fichier sont simples comme bonjour, et au revoir l'illusion. Et nous aurons beau vendre moins cher les livres virtuels que les livres papiers, ils resteront toujours trop chers – ils auront un prix, tout simplement, tandis que des copies piratées seront à portée des lecteurs qui n'ont pas les moyens de s'offrir le dernier roman de leurs auteurs préférés pour 10 ou 15 euros. On ne se posera pas deux fois la question.

Dans cette histoire, le nombre de personnes qui lisent augmentera-t-il ? Pas certain du tout. Et c'est encore un autre sujet. Ce qui risque en revanche de diminuer fortement, ce sont les bénéfices des libraires, des diffuseurs, des maisons d'édition, mais aussi les droits d'auteurs. Sans parler des imprimeurs...
Et ce n'est ici qu'un survol des gros titres du problème. Pour chaque, il y a matière à étude et développement. Et les années à venir devraient nous fournir cette matière, en quantité.

Un dernier point : n'importe qui aujourd'hui est en mesure "d'éditer" son propre livre au format numérique. Ce n'est pas de l'anticipation, c'est une réalité. Par ailleurs, n'importe qui a également la possibilité de dire "j'aime" ou "j'aime pas" sur Internet ; les supports ne manquent pas, qu'il s'agisse de blogs, de réseaux sociaux, de forums ou d'espaces ouverts aux commentaires publics. J'aime ou j'aime pas, j'adore, c'est cool, sans nécessairement argumenter. Sans forcément s'appuyer sur les critères adéquates qui font qu'un roman ou qu'un film ont des raisons d'exister ; sans se soucier un instant des questions littéraires ou cinématographiques (un livre est un livre ; un film est un film ; point barre, n'est-ce pas...).

N'importe qui peut écrire un roman (ou un livre de cuisine) et peut le divulguer sur la toile. N'importe qui pourra dire qu'il l'aime ou qu'il ne l'aime pas (qu'il est nul ou trop trop sympa). Le débat sur le livre numérique a lieu dans ce contexte où il semblerait que les critères d'exigences de qualité s'évaporent, ou se font écraser, dénigrer sous couvert de liberté (d'expression et de tout un tas d'autres choses, y compris en l'absence totale d'arguments et de connaissance).

Mais tout ceci n'est qu'un point de vue sur un domaine aux enjeux multiples qui dépassent largement la question du livre. Un regard parmi les regards. Et nous restons des veinards, avant tout.

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