mardi 27 avril 2010

Depuis hier, des bruits de tubes métalliques et de boulons résonnent en ce secteur du Champ de Juillet, à Limoges, où, durant trois jours, des milliers de visiteurs se sont succédés sous un vaste chapiteau blanc. Samedi, des pics de chaleur ont convergé avec des cohues qui progressaient au ralenti dans les allées, ou bien des masses de lecteurs, d'admirateurs, de curieux aussi, formées ici et là, en quête d'un ouvrage fraîchement paru, ou plus ancien ; d'une signature, ou simplement venus pour voir en vrai de vrai telle ou telle personnalité.

31° sous le chapiteau et progression compliquée dans la foule ; brouhaha ininterrompu, ovations, dialogues, commentaires saisis au hasard. Sourires, regards intrigués, yeux et trajectoires interrompus par la présence d'un livre, d'une phrase, d'une image, d'un visage. Mains qui s'emparent d'un ouvrage, le retournent, l'ouvrent, l'explorent un peu, beaucoup, s'en vont avec, ou pas. Reviennent ou non poser une question à cet auteur, là, assis de l'autre côté, qui vous écoute et vous répond.

Foire, grande surface éphémère, espace de rencontre ou de spectacle. Un salon du livre peut prendre simultanément tous ces aspects ; tout dépend où l'on se situe, où l'on se place pour observer. Rendez-vous fixé à telle heure et tel endroit, ou au contraire surprise totale.
Entre la foule en mouvement et les auteurs invités se dresse une ligne tendue, d'environ 80 centimètres de large, où sont disposés des milliers de livres. Constituent-ils une barrière ou au contraire une passerelle ouverte ?

Une barrière, car les livres sont en vente. Ce sont des objets culturels, mais aussi des produits de consommation. Accorder une attention à tel ouvrage, juste avec les yeux, peut signifier qu'on envisage de l'acheter, même si ce n'est pas le cas. Et que pense l'auteur, de l'autre côté, lorsqu'il vous voit prendre le livre et le parcourir ? N'allez-vous pas le vexer si vous le reposez sans avoir dit un mot, sans même avoir levé les yeux vers lui ?

Une passerelle, car échanger des mots ne coûte rien, n'a jamais rien coûté. Vous n'êtes obligé à rien. Vous achetez le livre si quelque chose se passe, simplement. Si un déclic a lieu au cours du dialogue, ou juste à la lecture d'un synopsis.
Mais il arrive aussi que vous achetiez le livre parce qu'une main inconvenante vous l'a brandi à la façon d'un vulgaire produit en promotion. Vous tombez dans le piège, ou pas. Et c'est une autre histoire. Passons...

Quelque part dans cette foule et de l'autre côté de la passerelle, sur le stand de la librairie Page et plume, se trouvait Eric Maneval, auteur de Retour à la nuit. Serein, observateur, tout à fait ravi par ses voisins immédiats : Patrick K. Dewdney à sa gauche, Carole Fives à sa droite, mais aussi Serge Vacher et Franck Linol.
Devant lui, un tissu orange sur lequel étaient disposés quelques piles d'exemplaires de son roman, ainsi que des petits papiers, des documents, un gobelet de café, puis un stylo. Parmi les milliers de visiteurs de ce salon du livre, plusieurs centaines ont pris le soin de lire le synopsis de Retour à la nuit. Plusieurs dizaines ont choisi d'emporter l'ouvrage.

Au beau milieu du brouhaha et des remparts de papier relié, au tout début du salon, l'auteur dira : Pour moi, chaque vente est un miracle. Car qu'est-ce qui peut bien inciter un lecteur à choisir d'acheter un roman noir écrit par un auteur inconnu, sorti chez un micro-éditeur qui ne l'est pas moins ?
Allez savoir...


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